Un point complet sur la recharge des véhicules électriques et quelques perspectives pour développer les points de recharge en bon ordre
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Mobilité électrique, la révolution est en marche
La poule a pondu l’œuf : les voitures sont sur le marché. Des Nissan LEAF et Renault Zoé essentiellement, ainsi que les BMW i3 et TESLA Model S sur le segment premium ou encore la Kangoo ZE pour les utilitaires, vont constituer le gros des ventes de 2014.
Un marché de l’occasion pourrait-il se mettre en place via l’électrification d’une partie du parc des véhicules thermiques ? Voilà un autre sujet que je développe dans les colonnes de la Communauté Michelin Challenge Bibendum, ici : http://michelin-challenge-bibendum.hosted.jivesoftware.com/message/2185#2185 [1].
Restent deux pas à franchir pour atteindre ce premier objectif en France de 2 millions de véhicules électriques : la recharge et le financement.
Je développerai dans un autre article la question du financement...
Notez juste que je recherche aujourd’hui des partenaires, établissements financiers et énergéticiens, intéressés par le domaine du cleantech, pour monter avec eux des solutions de financement de projets liés à la transition énergétique. (N’hésitez pas à prendre contact directement via alexis.duflos [at] blogal.fr).
... pour traiter ici la recharge, donc : Où en est-on sur cette question fin 2013 ?
Pour faire simple, j’ai toujours 3 options pour recharger ma voiture :
A. à la maison,
B. au bureau
C. ou sur la route.
A la maison, à nouveau 3 options, qui ne sont pas un choix mais un constat selon mon mode d’habitation :
A1. en habitat individuel, avec un garage ou un emplacement privé,
A2. en immeuble avec un box ou un emplacement de parking privé,
A3. en immeuble (ou en habitat individuel parfois) avec un stationnement sur la voie publique.
L’option A1 /en habitat individuel, avec un emplacement de parking privé/ est le cas de figure actuellement privilégié du développement des Véhicules Electriques (VE) : 97% selon John Honoré (co-fondateur de Borne Recharge Service, lors de la conférence ProVEnce[2] du 5 décembre à Marseille).
Le consommateur achète, dans ce cas, en même temps que son premier VE une solution de recharge à domicile qui sera (option A1a) une "simple" prise 14A de type "four" (3,2 kW), correctement raccordée à son tableau électrique. La marque LEGRAND, par exemple, propose un modèle à 79 € HT :
Un boitier doit alors être installé pour lancer la recharge après 20h, une fois passée la pointe du soir (les sites de RTE /http://www.audeladeslignes.com/hiver-consommation-electricite-pointe-19heures-1290 et http://clients.rte-france.com/lang/fr/visiteurs/vie/courbes.jsp explique et montre cette pointe sur les courbes de consommation nationale entre 17h45 et 19h45 avec un pic à 19h).
Temps de recharge : environ 7 heures, avec le cordon adapté.
Nota : ce temps de recharge est suffisant, en effet il n’y a pas d’intérêt d’avoir une charge plus rapide pendant la nuit, du moment que le véhicule est opérationnel au moment de partir.
Ce service devrait, à mon sens, être offert par le vendeur de VE, dans sa démarche commerciale.
Autre solution (A1b, pas encore opérationnelle à ce jour) : la borne de recharge, type wallbox, permettant de bénéficier du service ‘‘Vehicle to Grid’’ (V2G) :
associée à un compteur ‘‘intelligent’’ de type Linky, elle permet de fournir au réseau l’énergie résiduelle de la batterie lors de la pointe de consommation du soir. Aucun changement de comportement pour l’utilisateur qui branche son véhicule en arrivant à son domicile en rentrant du travail / des courses / de l’école. La borne intelligente attendra le signal de l’heure de pointe pour décharger la batterie sur le réseau (le particulier se comporte alors comme un producteur d’électricité qui injecte sur le réseau).
Jean-Christophe Delvallet (Directeur du Développement Méditerranée d’ErDF) nous a montré lors de la conférence ProVEnce du 5 décembre à Marseille que 2 millions de VE en 2020, l’objectif officiel pour la France, représentent potentiellement 6 000 MW (à raison de 3 kW chacun), soit 6 tranches nucléaires de 1000 MW. (ou 32 turbines à combustion de 185 MW comme celles d’EDF à Montereau, qui sont plus adaptées au passage de la pointe[3] ).
Coût de l’installation : 3 330 € TTC annoncés par Yoann Nussbaumer dans un article de juin 2012. Temps de recharge : inchangé (la recharge commence après la période de pointe. Par contre la batterie est plus déchargée au début de la recharge).
Coût de revient potentiel ? cf. prix du MWh à la pointe sur le marché d’ajustement RTE / quelle part pour le consommateur ? [4] - Offre à monter. 1000 € par VE pourraient être envisagés à ce titre. Un article dans "reve" daté du 16 décembre, annonce, en plus et du côté du consommateur, d'une économie sur sa facture d'électricité de 580 € par an.
Ce service pourrait, à mon sens, être proposé par le fournisseur d’énergie du consommateur.
L’option A2 /en immeuble avec un emplacement de parking privé/ est maintenant possible grâce à un service adapté, rendu par des entreprises comme par exemple Borne Recharge Service, qui prend en charge le décompte de l’énergie consommée par le VE sur le réseau de l’immeuble et la refacture au propriétaire du véhicule, sans incidence sur les autres habitants. L’installation de la borne est également assurée par l’entreprise qui gère notamment les relations avec le syndic.
Coût de l’installation : entre 1800 et 2000 € TTC selon le véhicule, puis un abonnement de 11,50 € qui couvre les services de gestion pour le compte de l'utilisateur, le SAV/garantie et la possibilité de bénéficier d'une installation gratuite en cas de déménagement.
Délai de mise en place : 120 jours en moyenne ;
Temps de recharge : Pour une Zoé il faut compter 8h à 100%. (Mais le temps moyen constaté est plutot 4h car les batteries des véhicules ne sont pas vides).
Ce service devrait, à mon sens, être offert par le vendeur de VE, dans sa démarche commerciale. Le coût de l’installation, au même titre que dans l’option A1a, et le coût de l’exploitation, dans le cadre du forfait de location des batteries et services associés, payables mensuellements.
Nota pour les puristes : le service ‘‘Vehicle to Building’’ (V2B) est possible, mais demande de passer d’abord par une phase de consolidation du système V2H cité ci-dessus.
L’option A3 / en immeuble (ou en habitat individuel parfois) avec un stationnement sur la voie publique /est à la fois la moins évidente et celle où les collectivités locales sont les plus attendues. Je vous propose de vous livrer deux idées simples :
- un VE acheté = une borne installée (= capacité de recharge pour 2 VE) ;
- un parcmètre = une borne.
Premier point, nous avons vu que, dans tous les cas décrits ci-dessus, le vendeur de VE doit proposer comme service à son client le financement et la pose de sa solution de recharge. C’est également le cas ici. Un VE est un produit à vendre avec le service associé. (Quand vous achetez votre smartphone, un cable d’alimentation est fourni avec, compatible avec votre standard de prise). Le cas de figure, sur la voirie est plus complexe car il faut obtenir les autorisations. Raison de plus pour centraliser les procédures sur les vendeurs de VE.
La Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole lance un déploiement de bornes de recharge publiques avec une logique de partenariat public / privé de type : une entreprise souhaite une borne devant ses locaux, MPM accepte de financer et installer cette borne si celle-ci est accessible sur le domaine public, nous a expliqué Pierre Sémériva (Vice-Président de la CU MPM – Délégué au Développement Durable, lors de la conférence ProVEnce du 5 décembre à Marseille). Nous reviendrons plus loin sur la recharge au bureau (B), mais pourquoi ne pas étendre ce dispositif pour les particuliers ? Je propose une convention locale (pas seulement à Marseille, mais partout où les Politiques recherchent la transition énergétique et tendent vers la troisième révolution industrielle de Rifkin) fixant les principes suivants :
- tout acheteur de VE qui ne bénéficie pas d’une place de parking privée (en individuel ou en résidence) aura droit à l’installation d’une borne de recharge publique au plus près de son domicile ;
- cette borne de recharge permettra la recharge classique (3 kW) de deux VE en simultané[5], avec un marquage au sol pour ces deux places réservées à des VE dont l’une sera dédiée au VE concerné durant son créneau de recharge privilégié (20h – 6h) ;
- le professionnel, vendeur de VE, pourra solliciter cette convention à chacune de ces ventes de VE ;
- l’ADEME via le Programme d’Investissement d’Avenir prend en charge 50 % du coût d’investissement pour l’installation de bornes de recharge « normale » (pour des collectivités de plus de 200 000 habitants et des projets de plus de 400 000 €).
Les bornes proposées sont très chères et trop complexes à mon avis. On est très éloignés de la prise 14 A de tout à l'heure alors que l'usage n'est pas si différent !
Nota : nos collectivités ont très bien su installer des parcmètres dans nos rues. Peut-on imaginer doter la prochaine génération de parcmètres de deux prises 14A ? L’appareil sait déjà gérer le temps et la facturation …
En résumé sur la recharge à la maison :
- Mise en place de la solution qui devrait être gérée par le vendeur de VE ;
- Un coût qui doit être comparable pour le consommateur quelle que soit son mode d’habitation ;
- Un surcoût en cas d’installation sur la voirie à faire prendre en charge par la collectivité en échange d’une disponibilité de la borne en journée et de la borne supplémentaire.
Au bureau ? Une solution à éviter !
Qui dit bureau dit heures de bureau, et donc heures ‘‘pleines’’ au sens EDF, les plus chères et celle où l’électricité est la plus carbonée. Avec les conditions de recharge à domicile mises en place plus haut, il y aura peu besoin de prises au bureau. Notons les cas suivants :
- Utilisation exceptionnelle d’un VE ;
- Trajets domicile-travail ne permettant pas d’effectuer l’A/R sans recharge intermédiaire ;
- Accueil de clients (ou de fournisseurs) et souhait ‘‘commercial’’ de mettre une prise à disposition.
Un système de V2G n’est pas souhaitable si les véhicules sont partis à 18h. Ainsi de simples prises sécurisées sur des places identifiées sont suffisantes. Le reste n’est qu’une question d’image. La plupart du temps ces parkings seront privés et donc ne permettront pas de système de recharge public / privé comme envisagé plus haut.
Pour les employés, sauf besoin spécifique, une simple prise sécurisée suffit.
Pour l’accueil de clients, le choix de la borne (semi rapide en 1 heure ou rapide en 30’) peut se faire en fonction du temps optimal que doit rester le consommateur dans le magasin.
Sur la route ? Une solution d’assurance !
- Certes une voiture électrique n’a rien à faire sur une autoroute.
- Certes une voiture diesel est plus performante sur l’autoroute.
Il reste donc une part du marché des véhicules effectuant de très longues distances, en dehors des villes, privilégiant l’utilisation du gazole.
Mais revenons à l’électrique : le temps de faire cette révolution de la mobilité électrique, nous avons besoin d’un accompagnement au changement, d’être rassurés :
- avec un système ‘‘range extender’’ : groupe électrogène embarqué, fonctionnant au diesel, à l’essence ou à l’hydrogène (pile à combustible) – Chevrolet VOLT / Opel AMPERA, BMW i3 en option ( 4710 € et des kilos en trop) ;
- avec un réseau de bornes de recharge maillant un certain nombre de ‘‘corridors’’ pour répondre à la plus grande majorité des besoins ;
- avec une offre de véhicules de remplacement en cas de grands déplacements – BMW propose ainsi le prêt d'un break série 5 dans son offre i3 Add-on Mobility (un accord avec un loueur en fait), mais d’autres offres sont à monter sur ce sujet, de type gardiennage de votre ancienne voiture, mise en location des VCI repris lors de la vente des VE ...
Plaçons nous du côté du consommateur :
- vais-je payer plus cher et surcharger ma voiture tous les jours avec un moteur thermique alors que j’ai justement choisi un véhicule électrique pour en être libéré ?
- vais-je devoir changer de voiture chaque fois que je pars en week-end à plus de 100 bornes de chez moi ?
Ce genre d’arguments semblent plutôt ceux d’un pétrolier qui voudrait promouvoir le véhicule électrique ! Non, il faut rester dans les habitudes des consommateurs. Si j’ai besoin de faire de la route, je dois pouvoir faire le plein sur la route, et pas en 8 heures. La solution s’appelle une borne de recharge rapide en 30 minutes, et son installation ne coûte pas plus cher que celle d’une pompe et sa cuve de diesel associée !
Selon Jean-Christophe Delvallet, une recharge rapide devrait coûter environ 35 € en 2013[6]. Il est intéressant de constater que, dans les études citées, le consommateur serait prêt à payer 8 € pour sa charge rapide. De plus, un service permettant de réserver son créneau de recharge, puis de recaler en temps réel son créneau en fonction de sa position et de sa vitesse par rapport à l’emplacement de la borne est également monnayable de l’ordre de 10 €.
Coût de l’installation : de 12 000 à 20 000 € TTC ;
Délai de mise en place : plusieurs mois.
Temps de recharge : 80% en 30 minutes.
Gardons à l’esprit que ce réseau à mettre en place de bornes de recharges rapides doit être considéré comme un service public. Il n’est pas envisageable qu’il soit rentable en tant que tel : le coût de la recharge ne permettra pas de rentabiliser les coûts d’achat de la borne, d’installation et d’exploitation.
Le business model est différent : il doit prendre en compte l’intérêt du site qui accueille un client captif pendant 30 minutes (chiffre d’affaires en ventes magasin et image de marque). Ainsi une partie du financement de la borne doit être assurée par un loyer payé par l’hébergeur de la borne. Ensuite, les collectivités locales, nationales et la Commission Européenne prennent en charge une partie des frais fixes d’installation : en particulier, l’ADEME via le Programme d’Investissement d’Avenir prend en charge 30 % du coût d’investissement pour l’installation de bornes de recharge rapide.
En conclusion, et comme me le faisait remarquer Thomas J. Thias (@AmazingCheVolt) dans son tweet du 8 décembre, les solutions de recharge existent : 1,5 milliards de prises chez lui aux USA ! Mais ce qu’il manque, ce sont des chargeurs rapides (d’après une étude ‘‘2013 US PEV Charging Study’’ du groupe Recargo auprès de 3700 propriétaires de véhicules électriques).
A nous de lancer le réseau français de recharge rapide !
[1] Voir aussi l’article : http://www.automobile-propre.com/2013/03/28/electrifier-les-vehicules-existants-une-niche-a-explorer/
[2] La Conférence ProVEnce, organisée par le BLOGaL et l’Intergroupe des Centraliens en Provence, a eu lieu à Marseille le 5 décembre 2013. Retrouvez photos, slides et vidéos sur www.blogal.fr.
[4] Prenons l’exemple de la journée du 5/12, sur la période 17h45 – 19h45, la puissance monte de 78 727 MW à 81 646 MW (à 19h) pour retomber à 78 911 MW. Une flotte de 1 million de VE raccordés avec chacun 3 kW d’injection sur le réseau permet de passer cette pointe, avec zéro CO2. Au prix du marché Spot, cette énergie d’environ 2 900 MWh sera valorisée 108,94 €/MWh entre 18 et 19h et 93,20 €/MWh entre 19 et 20h, soit 293 k€ pour cette soirée, à diviser par 1 million : 0,29 c€ par VE connecté pour cette pointe de 19h.
En fait les centrales de pointe coutent beaucoup plus cher. On parle ici de 1300 M€ pour 4000 MW installés, soit un ratio d’environ 1000 € par VE (pour 1,3 millions de VE) : http://www.enerzine.com/10/6446+production-de-pointe---retour-des-centrales-au-fioul+.html
[5] Benjamin Saada, alors en stage de fin d’etudes au Consulat de France à San Francisco, détaille en page 17 de son doc les ratios d’installation de bornes de charge aux USA en 2011: 1,5 chargeur par voiture : http://www.bulletinselectroniques.com/actualites/68705.htm