Quelques mots d'histoire de l'Art - janvier 2011

delacroix 

 

Le charmant musée de la Vie romantique à Paris expose en ce moment la peinture romantique russe. Cette intéressante exposition pose la question de savoir ce qu'est finalement l'art romantique.
En France, est-ce que cela est l'art d'une époque, celle des années 1820-1848 ? Est-ce l'art d'un style romantique ? Est-ce encore l'art lié à des sujets romantiques ? Ou encore est-ce l'art d'une personne romantique ? Penchons nous un instant sur le plus fameux des peintres romantiques français : Eugène Delacroix. 


La figure de Victor Hugo domine en France la scène littéraire dans les années 1820 avec son Cénacle et la célèbre bataille d'Hernani en 1830 qui marquent la première grande victoire des Romantiques en France. A propos du tableau Sardanapale d'Eugène Delacroix (deuxième photographie en partant de la gauche), Auguste Jal écrit dans sa critique du Salon de 1828 : "Le poète Hugo est peut-être le seul homme qui puisse être dans le secret du génie de ce peintre, que Dante [première photographie : La barque de Dante] aurait si bien compris." C'est que, à cette époque, la littérature est l'art directeur en France, le théâtre et le roman anglais en particulier. Mais rapidement le cercle des romantiques se rétrécit et en 1830, Hugo se brouille avec Delacroix : "révolutionnaire dans son atelier, il était conservateur dans les salons, reniait toute solidarité avec les idées nouvelles, désavouait l'insurrection littéraire et préférait la tragédie au drame." 


Par ses sujets cependant, Delacroix, comme Louis Bélanger, les frères Boulanger et Célestin Nanteuil puisent dans les romans anglais de Lord Byron, les légendes moyenâgeuses ou les opéras allemands. Mais cela suffit-il pour qualifier un art de romantique ? Paul Delaroche serait alors un peintre romantique, tout en étant un peintre réaliste, archéologique. 


Delacroix rejette également le qualificatif de "romantique" pour juger son style. Trente ans plus tard, le peintre se souvient : "ils m'ont enrégimenté bon gré mal gré dans la coterie romantique, ce qui signifiait que j'étais responsable de leurs sottises". Et on raconte que M. Laurent, bibliothécaire de la Chambre admirait les décorations du Palais-Bourbon (troisième photographie) et le comparait à Victor Hugo ; Delacroix lui répondit, sans doute énervé : "Vous vous trompez, monsieur, je suis un pur classique !". 


Pourtant Delacroix est un vrai romantique de son temps, qui a vingt-deux ans en 1820. Il en a le style, le caractère et la vie. Comme Berlioz, "minces, le teint pâle, avec une belle crinière de cheveux bruns, visages expressifs, mobiles, tourmentés" comme les décrit l'historienne Anne Martin-Fugier. Et puis Delacroix est un sauvage, un passionné de l'art, qui a appris son métier auprès d'un génie qu'il admira : Géricault. Sa vie ne ressemble certes pas à la vie aventureuse d'un Byron qui meurt en Grèce à trente-cinq ans, ou à celle des génies morts trop tôt, après avoir été des modèles pour toute une génération de peintres, comme Bonington ou Géricault. Mais Delacroix, passionné par sa recherche d'idées nouvelles, a puisé dans une vie intérieure riche et passionnée des aventures humaines sans cesse renouvelées. C'est finalement ses tableaux, son oeuvre, qui sont romantiques, c'est-à-dire qui sont un vrai roman, plein de vie et plein de la richesse de la vie même du peintre ! Comme le disait Picasso à propos d'un tableau de Delacroix qu'il a réinterprété de nombreuses fois, Les femmes d'Alger (quatrième photographie) : "nous y sommes tous, dans ce Delacroix". 


Tristan de Quelen

 

 

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