Quelques mots d'histoire de l'Art - 08 décembre 2010
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A l'approche de la fête de Noël, je souhaiterais vous suggérer la visite de deux petits musées d'art religieux français du XVIIIe siècle. Car, si l'art peint du XVIIIe siècle est bien représenté au musée du Louvre au travers des scènes de genre, et si l'art sculpté du portrait l'est également, l'art religieux bénéficie d'une moindre aura que les autres arts, la grande exposition actuellement au Louvre présentant l'autre grand sujet de la peinture d'histoire au XVIIIe siècle, à savoir l'Antiquité.
Ces deux musées sont en fait deux églises parisiennes, qui ont le mérite de se situer non loin du Louvre : l'église Saint-Sulpice et l'église Saint-Roch. Ces deux lieux ont en effet eu des curés qui se sont révélés des maîtres d'oeuvre d'ensembles décoratifs prestigieux, tant en sculptures qu'en peintures.
A Saint-Sulpice se trouve l'un des trois décors qu'il nous reste de François Lemoyne, le maître de Boucher et de Natoire : il s'agit de la décoration plafonnante de la chapelle de la Vierge, représentant l'Assomption de la Vierge et datant de 1731-32 (ci-dessus, première photographie à gauche). D'inspiration italienne, l'art de Lemoyne est proche de celui de Sébastiano Ricci, le grand décorateur vénitien qui fit un passage remarqué à Paris en 1716 (il nous reste peu de trace de son passage à Paris mais on peut admirer une de ses compositions à Saint-Gervais-Saint-Protais). Dans cette même chapelle de la Vierge se trouve également un des deux cycles restants, peints par Carle Vanloo, le grand concurrent de Boucher au XVIIIe siècle, celui que l'on considérait alors comme "le plus grand peintre de l'Europe". Cet ensemble de quatre panneaux sur la vie de la Vierge (ci-dessus, deuxième photographie : l'Annonciation) datant autour de 1740, montre un rare exemple de l'art religieux de celui qui domina son époque dans ce genre. Puis, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la peinture d'histoire change dans ses sujets et devient moins tournée vers la religion et plus vers l'Antiquité. Pour autant, les églises parisiennes continuent de faire appel aux Académiciens, c'est-à-dire aux meilleurs des peintres et sculpteurs de l'époque, de par leur formation. Dans la chapelle de l'Enfance de Jésus, se trouve un magnifique tableau. Il s'agit d'une Fuite en Egypte peinte par Jean-Baptiste-Marie Pierre en 1751. Cet artiste, très doué pour la peinture religieuse grâce à sa science rare de la composition, tente de concilier ce savoir-faire issu de la grande tradition décorative italienne avec le réalisme du nord dans la représentation des personnages. Mais il sera surtout le Premier Peintre du Roi à partir de 1770 et influencera ainsi tous les peintres académiques vers un art plus épuré, néoclassique.
A Saint-Roch sont également présents de nombreux peintres académiciens, mais principalement de la seconde moitié du XVIIIe sicècle. On y retrouve Jean-Baptiste-Marie Pierre qui décora la coupole. Il s'agit de la commande la plus prestigieuse de sa carrière : une Assomption de la Vierge qui date de 1752-56 (troisième photographie). Jean Restout est bien représenté également. A cheval entre la première et la seconde moitié du siècle, il est l'élève de Jean Jouvenet et créera une véritable école, dite "des Pointus" (à cause des nez et des doigts pointus de ses personnages). A Saint-Roch se trouve une grande et belle composition qui est accrochée dans le transept : La Purification de la Vierge (1758). Mais surtout, et en pendants, deux peintres témoignent dans le transept de Saint-Roch du changement de l'art rocaille vers l'art néoclassique : Gabriel Doyen (Le Miracle des Ardents) (quatrième photographie) et Joseph-Marie Vien (Saint-Denis prêchant la foi) (cinquième photographie). Peints pour le décor du transept en 1767, ces deux oeuvres montrent un tournant dans l'histoire de la peinture au XVIIIe siècle : à l'art très coloré, chaleureux et tout en courbes de Doyen s'oppose l'art simple, calme et froid de Vien. Cet art nouveau va se développer pour aboutir à celui de David et de ses elèves, comme Jean-Germain Drouais par exemple dont on peut voir Le Retour du fils prodigue dans le déambulatoire de l'église de Saint-Roch (1782).
On peut rappeler également aux visiteurs éventuels de ne pas s'attarder uniquement sur les peintures de ces deux églises. Les sculptures y sont tout aussi remarquables. A noter en particulier, à Saint Sulpice : le bénitier de Pigalle (vers 1754) (entrée de l'église), la Vierge de douleur de Bouchardon (transept, pile de droite) et le monument funéraire de Languet de Gergy de Michel-Ange Slodtz (1757) (5e chapelle de la nef). Et à Saint-Roch : le Baptême du Christ de Jean-Baptiste Lemoyne, I et II (1731) (chef-d'oeuvre du style rocaille des années 1720-30), le Saint-Jérôme de Lambet-Sigisbert Adam (1752) (dans la chapelle de la Vierge) et le Christ au jardin des Oliviers de Falconet (1757) (contre l'un des piliers de la croisée du transept).
Tristan de Quelen
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